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Tax Justice Network ■ Le classement des paradis fiscaux montre que les pays qui fixent les règles fiscales mondiales sont ceux qui aident le plus les entreprises à les contourner

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Le classement des paradis fiscaux montre que les pays qui fixent les règles fiscales mondiales sont ceux qui aident le plus les entreprises à les contourner

Un club de pays riches qui fixe les règles mondiales en matière d’impôt sur les sociétés est responsable de plus des deux tiers des abus fiscaux des entreprises à l’échelle mondiale – selon l’Indice des paradis fiscaux pour les sociétés 2021, un classement des pays les plus complices d’assistance aux multinationales afin de leur permettre de payer moins d’impôts. Cet indice montre comment les règles mondiales en matière d’impôt sur les sociétés établies par l’OCDE1, une organisation composée de pays à revenu élevé et le principal organisme de réglementation de la fiscalité internationale, n’ont pas permis de détecter et de prévenir les abus à l’impôt sur les sociétés facilités par les pays membres de l’OCDE eux-mêmes et, dans certains cas, ont incité des pays à revenir sur leur transparence fiscale.

Partout dans le monde, des économistes et des militants de premier plan préconisent le remplacement des règles fiscales de l’OCDE par un processus plus solide et plus global aux Nations Unies, à commencer par une convention fiscale des Nations Unies2, afin de mettre un terme aux abus à l’impôt sur les sociétés à l’échelle planétaire et mobiliser les fonds publics, devenus indispensables, pour faire face au coût économique d’une pandémie qui entre dans sa deuxième année.

Dans un nouveau coup porté à la confiance en berne dans la capacité de l’OCDE3 à s’attaquer aux abus généralisés à l’impôt sur les sociétés, dont le coût mondial s’élève à 245 milliards de dollars de pertes fiscales annuelles4, l’Indice des paradis fiscaux pour les sociétés 2021 indique que les pays de l’OCDE et leurs dépendances sont responsables de 68 pour cent des risques d’abus à l’impôt sur les sociétés dans le monde. Si l’on décompose les données, les pays de l’OCDE sont responsables de 39 pour cent des risques d’abus à l’impôt sur les sociétés dans le monde et leurs dépendances – comme Jersey, dépendance de la Couronne britannique et Aruba, dépendance des Pays-Bas – représentent 29 pour cent. Le Dr Dereje Alemayehu, Coordinateur exécutif de l’Alliance mondiale pour la justice fiscale nominée pour le prix Nobel de la paix5, a déclaré que « faire confiance à l’OCDE aujourd’hui à la lumière des résultats de l’indice, c’est comme demander à une meute de loups de construire une clôture autour de votre poulailler ».

 

Les 10 juridictions qui favorisent le plus le risque de fraude à l’impôt sur les sociétés

L’édition 2021 de l’Indice bisannuel des paradis fiscaux pour les sociétés du Réseau pour la justice fiscale voit les pays de l’OCDE ou leurs dépendances occuper les six premières places du classement des juridictions qui favorisent le plus la fraude à l’impôt sur les sociétés dans le monde. Il s’agit, par ordre décroissant, des Îles Vierges britanniques, des Îles Caïmans et des Bermudes – trois territoires britanniques d’outre-mer où le gouvernement du Royaume-Uni dispose des pleins pouvoirs pour imposer ou opposer son veto au processus législatif et où le pouvoir de nommer les principaux responsables gouvernementaux incombe à la Couronne britannique – les Pays-Bas, la Suisse et le Luxembourg.

Les dix principaux pays qui favorisent le plus la fraude à l’impôt sur les sociétés au niveau mondial sont aujourd’hui les suivants :

  1. Îles Vierges britanniques (territoire britannique d’outre-mer)
  2. Îles Caïmans (territoire britannique d’outre-mer)
  3. Bermudes (territoire britannique d’outre-mer)
  4. Pays-Bas
  5. Suisse
  6. Luxembourg
  7. Hong Kong
  8. Jersey (dépendance de la Couronne britannique)
  9. Singapour
  10. Émirats arabes unis

 

L’Indice des paradis fiscaux pour les sociétés classe chaque pays en fonction du degré de programmation des systèmes fiscaux et financiers du pays pour permettre aux multinationales de transférer leurs bénéfices hors des pays où elles exercent leurs activités et donc d’y payer moins d’impôts. L’indice classe le système fiscal et juridique de chaque pays selon un « score de paradis fiscal » noté sur 100, où zéro ne laisse aucune marge d’abus à l’impôt sur les sociétés et 100 correspond à une possibilité illimitée d’abus. Le score de paradis fiscal du pays est ensuite combiné au volume d’activité financière exercée dans le pays par les sociétés multinationales pour calculer le niveau de fraude fiscale transfrontalière facilitée par le pays.

Un classement plus élevé à l’indice ne signifie pas nécessairement que la législation relative à l’impôt sur les sociétés d’une juridiction est plus agressive, mais plutôt que cette juridiction joue concrètement un rôle plus important dans le monde en permettant le transfert de bénéfices, qui représente un manque à gagner fiscal de plusieurs milliards de dollars pour les pays chaque année. Un pays très agressif sur le plan fiscal qui autorise un petit volume d’activité financière de la part des multinationales, comme Anguilla (39ème rang), sera classé derrière un pays dont la politique fiscale est moins agressive mais qui accueille de nombreuses activités financières des multinationales, comme la Belgique (16ème).

 

Principaux changements dans le classement

La menace des Îles Caïmans poursuit son irrésistible ascension

Le territoire britannique d’outre-mer des Îles Caïmans est passé de la troisième à la deuxième place de l’Indice des paradis fiscaux pour les sociétés depuis la dernière édition de l’indice en 2019. Alors que ce territoire britannique d’outre-mer avait déjà atteint son score maximal de paradis fiscal avec 100 en 2019, le volume de l’activité financière des multinationales sur son territoire a augmenté de près de 15 pour cent, renforçant ainsi le rôle qu’il joue à l’échelle mondiale dans le transfert des bénéfices.

L’année dernière, les Îles Caïmans ont également progressé dans le classement de l’Indice d’opacité financière 2020 du Réseau pour la justice fiscale – un classement des pays les plus complices d’assistance aux particuliers pour dissimuler leur fortune à l’État de droit – passant du troisième au premier rang après que le volume d’activité financière des particuliers non-résidents a augmenté de 21 pour cent6. Les Îles Caïmans ont été qualifiées de « joyau de la couronne de la toile d’araignée britannique »7, un réseau de territoires et de dépendances britanniques (où le gouvernement a les pleins pouvoirs d’imposer ou d’opposer son veto au processus législatif) qui fonctionne comme une toile mondiale de paradis fiscaux blanchissant et transférant l’argent en provenance et à destination de la City de Londres.

Bien que les Îles Caïmans poursuivent leur progression au titre de plus grande menace d’abus à l’impôt sur les sociétés au monde, ce territoire britannique d’outre-mer a été retiré de la liste noire des paradis fiscaux de l’UE en 2020 après une importante campagne de relations publiques8. La tentative d’une poignée de membres du Parlement européen de réinscrire les Îles Caïmans sur la liste noire en février 2021 a échoué, ce qui a conduit Paul Tang, député européen et Président de la sous-commission des affaires fiscales au Parlement européen, à demander qu’il « soit mis fin aux manœuvres politiques » dans la procédure d’inscription sur liste noire9.

Pour la première fois, les EAU entrent dans le top 10 après l’apport de fonds des Pays-Bas à hauteur de 250 milliards de dollars

Après le détournement de plus de 218 milliards de dollars d’investissements directs étrangers par des multinationales vers l’économie des Émirats arabes unis (EAU), et ce par l’intermédiaire des Pays-Bas, membre de l’OCDE, les EAU sont entrés dans le top 10 mondial des pays qui favorisent le plus l’abus à l’impôt sur les sociétés. Bien que leur score de paradis fiscal de 98 sur 100 n’ait pas changé depuis l’édition 2019 de l’indice, l’injection de fonds par les Pays-Bas – correspondant à plus de la moitié du PIB des EAU – a fait exploser le volume de l’activité financière des multinationales dans cette juridiction de près de 180 pour cent. En conséquence, les EAU sont passés de la 12ème à la 10ème place du classement.

Selon les enquêtes menées par le Réseau pour la justice fiscale, l’origine probable de cet apport de fonds serait un jeu de « patate chaude » d’un montant de plusieurs milliards de dollars dans lequel 200 milliards de dollars d’investissements directs étrangers avaient été transférés vers les Pays-Bas depuis les États-Unis et l’Afrique du Sud en 2019. Cette importante injection de fonds à destination des Pays-Bas semble avoir ensuite été détournée vers les Émirats arabes unis. L’augmentation notable des investissements directs étrangers de l’Afrique du Sud aux Pays-Bas coïncide avec une diminution d’une ampleur similaire de ces investissements de l’Afrique du Sud en Chine, ce qui laisse à penser que les EAU ont succédé à la Chine comme destination privilégiée des investissements directs étrangers provenant d’Afrique du Sud. Cependant, les données étant regroupées à l’échelle nationale, les sociétés qui sont à l’initiative de ces transferts ne sont pas précisées.

Les EAU semblent également avoir remplacé deux territoires britanniques d’outre-mer – les Îles Vierges britanniques (classées premières à l’indice) et les Bermudes (classées troisièmes) – en tant que destination privilégiée des multinationales implantées aux Pays-Bas et pour celles qui se servent des Pays-Bas comme plaque tournante. Ces deux paradis fiscaux ont vu les investissements directs étrangers en provenance des Pays-Bas fondre de 130 milliards de dollars en 2019, soit une baisse de 64 pour cent par rapport à 2018. Dans l’ensemble, aux Bermudes, le volume d’activité financière des multinationales du monde entier a baissé de plus de 150 milliards de dollars (19 pour cent) entre 2018 et 2019. Ce virage vers les EAU peut en partie s’expliquer par l’adoption par ce pays de règles plus clémentes relatives aux activités génératrices de revenus de base de nature économique – qui exigent qu’un certain niveau d’activité économique ait lieu dans la juridiction dans laquelle une multinationale déclare ses bénéfices – et par le rôle croissant joué par les EAU comme centre financier offshore par excellence pour les multinationales opérant en Afrique et en Asie.

 

Le coût des pays de l’OCDE dans l’abus à l’impôt sur les sociétés

Les conclusions de l’Indice des paradis fiscaux pour les sociétés, selon lesquelles les pays de l’OCDE et leurs dépendances sont responsables de 68,3 pour cent des risques d’abus à l’impôt sur les sociétés au niveau mondial, correspondent aux constatations de l’étude « Justice fiscale : état des lieux 2020 » du Réseau pour la justice fiscale, publiée en novembre de l’année dernière10. Selon l’étude, les pays de l’OCDE et leurs dépendances sont responsables de 68,1 pour cent des pertes fiscales constatées dans le cadre des fraudes transfrontalières. L’étude 2020 est arrivée à la même conclusion que l’indice en s’appuyant sur une méthodologie complètement différente basée sur l’analyse des déclarations d’impôt sur les sociétés publiées par l’OCDE, à la différence de la méthodologie de l’indice qui examine la législation fiscale et financière des pays pour les risques d’abus en matière d’impôt sur les sociétés11.

L’étude « Justice fiscale : État des lieux 2020 » a révélé que les pays de l’OCDE et leurs dépendances coûtent au monde plus de 166 milliards de dollars de pertes en recettes fiscales sur les sociétés chaque année – soit l’équivalent de plus de 26 millions de salaires annuels d’infirmiers ou de 50 salaires annuels d’infirmiers par minute pour les pays de l’OCDE et leurs dépendances.

L’Indice des paradis fiscaux pour les sociétés 2021 indique que la part du lion dans les abus fiscaux des sociétés à l’échelle mondiale au sein du groupe de l’OCDE revient au Royaume-Uni et à son réseau de territoires d’outre-mer et de dépendances de la Couronne, où le Royaume-Uni dispose des pleins pouvoirs pour imposer ou opposer son veto au processus législatif et où le pouvoir de nommer les principaux responsables gouvernementaux incombe à la Couronne britannique. Selon l’expression devenue tristement célèbre, « toile d’araignée britannique »12, en raison du rôle joué par le réseau comme plaque tournante des paradis fiscaux dont le cœur est la City de Londres, le Royaume-Uni et son réseau sont collectivement responsables de 31 pour cent des risques d’abus à l’impôt sur les sociétés dans le monde, soit près de la moitié (45 pour cent) des risques de fraude attribuables aux pays de l’OCDE et leurs dépendances.

Après le Royaume-Uni, les trois pays qui favorisent le plus le risque de fraude à l’impôt sur les sociétés parmi les pays de l’OCDE et leurs dépendances sont les Pays-Bas (5,5 pour cent), la Suisse (5,1 pour cent) et le Luxembourg (4,1 pour cent). Ajoutés au Royaume-Uni et à son réseau, ces trois pays sont collectivement responsables de près de la moitié (46 pour cent) des risques de fraude à l’impôt sur les sociétés dans le monde – ce qui a valu à ce groupe d’être baptisé « axe de l’évasion fiscale »13. L’axe de l’évasion fiscale représente plus des deux tiers (67 pour cent) des risques de fraude à l’impôt sur les sociétés dont sont responsables les pays de l’OCDE et leurs dépendances.

L’étude « Justice fiscale : état des lieux 2020 » a également estimé que la toile d’araignée britannique était responsable de la plus grande part des pertes liées aux abus à l’impôt sur les sociétés (29 pour cent de l’ensemble des pertes en recettes fiscales subies par les pays du monde entier), coûtant aux pays près de 70 milliards de dollars par an.

Liz Nelson, Directrice de la justice fiscale et des droits de l’homme au sein du Réseau pour la justice fiscale, a déclaré :

« Les pays les plus riches de la planète privent, chaque année, le reste du monde de 166 milliards de dollars d’impôts sur les sociétés en permettant aux plus grandes multinationales de payer moins d’impôts que ce qu’elles devraient. Les pays de l’OCDE peuvent prétendre respecter les règles fiscales mondiales de l’OCDE, mais le fait est que les règles fiscales de pure forme qu’ils ont imposées au reste du monde privent les pays les plus pauvres de l’équivalent de 26 millions de salaires annuels d’infirmiers chaque année, soit 50 salaires annuels d’infirmiers par minute. Il est temps que nos règles fiscales mondiales soient définies par les Nations Unies, où la démocratie et les droits de l’homme passent avant la ploutocratie et les super yachts. »

L’appréciation phare de l’OCDE, « fiscalité dommageable », ne permet pas d’identifier les paradis fiscaux des sociétés

L’analyse de la politique phare de l’OCDE à l’encontre des pays qui favorisent les pratiques fiscales dommageables a révélé que cette politique ne permettait pas de détecter la quasi-totalité des risques d’abus à l’impôt sur les sociétés répertoriés par l’indice. Cette politique constitue l’un des quatre piliers clés de l’ensemble de règles mondiales que l’OCDE a adopté en 2015 pour lutter contre les abus fiscaux des multinationales, connu sous le nom de plan d’action BEPS (Lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices)14. Dans le cadre de la politique de sauvegarde, les systèmes fiscaux des pays sont évalués et notés par l’OCDE selon l’aide apportée aux multinationales pour se livrer à des pratiques fiscales dommageables.

Une comparaison des notes attribuées aux différents pays par l’OCDE avec leur évaluation à l’Indice des paradis fiscaux pour les sociétés a révélé que les pays classés par l’OCDE comme « non dommageables » sont responsables de 98 pour cent des risques de fraude à l’impôt sur les sociétés dans le monde. En comparaison, les pays classés « dommageables » par l’OCDE ne représentent qu’un pour cent. Les pays actuellement passés en revue représentent un pour cent supplémentaire.

Une comparaison plus poussée des notes de l’OCDE et de l’analyse des données des déclarations pays par pays de l’OCDE par le Réseau pour la justice fiscale montre que les pays classés « non dommageables » par l’OCDE coûtent au monde 239 milliards de dollars par an de pertes en recettes fiscales sur les sociétés en permettant aux multinationales de transférer leurs bénéfices, alors que les pays classés « dommageables » coûtent au monde 5 milliards de dollars de pertes fiscales sur les sociétés. Le Réseau pour la justice fiscale soutient que le fait que l’OCDE n’ait pas identifié les pratiques fiscales dommageables dans ses évaluations revient pratiquement à entériner les comportements préjudiciables des paradis fiscaux.

Moran Harari, chercheuse principale sur les indices au sein du Réseau pour la justice fiscale, a déclaré :

« Comment l’OCDE peut-elle revendiquer le rôle de chef de file mondial en matière de protection contre les abus à l’impôt sur les sociétés alors qu’elle est incapable de détecter 98 pour cent de ces risques d’abus ? Chaque fois qu’un paradis fiscal comme les Îles Caïmans se retrouve sous le feu de la critique parce qu’il favorise la fraude à l’impôt sur les sociétés par milliards, il rétorque immédiatement que tout ce qu’il fait est conforme aux normes mondiales de l’OCDE15. En qualifiant de « non dommageables » les systèmes fiscaux des pays responsables de 98 pour cent des abus à l’impôt sur les sociétés dans le monde, l’OCDE donne aux principaux paradis fiscaux la couverture dont ils ont besoin pour continuer de causer des dégâts considérables.

« Pour obtenir l’approbation de ses membres les plus puissants, l’OCDE a dû édulcorer ses règles fiscales mondiales au point de les rendre obsolètes. Non seulement les règles mondiales de l’OCDE n’ont pas supprimé les paradis fiscaux, mais elles les ont normalisés. Seule une convention fiscale des Nations Unies, où les règles mondiales sont fixées dans un cadre démocratique et non par la ploutocratie, peut faire des paradis fiscaux un lointain souvenir. » 

Le Réseau pour la justice fiscale a également signalé en novembre 2020 que la liste noire des paradis fiscaux de l’UE ne permettait pas d’identifier la grande majorité des pays qui favorisent les abus fiscaux dans le monde16. Les juridictions figurant sur la liste noire de l’UE à l’époque étaient responsables de moins de 2 pour cent des pertes fiscales mondiales dues à la fraude. Les études menées par le Réseau pour la justice fiscale ont incité un certain nombre de députés européens à plaider en faveur d’une révision de la liste noire, dressée selon des critères politiques et opaques, intégrant des normes transparentes qui reflètent la réalité des abus fiscaux dans le monde et qui n’exemptent pas automatiquement les pays de l’UE17.

Une tentative de remaniement de la liste noire des paradis fiscaux en février 2021 s’est révélée décevante. En effet, le territoire britannique d’outre-mer des Îles Caïmans, aujourd’hui classé deuxième à l’Indice des paradis fiscaux des sociétés, n’a pas été réinscrit sur la liste noire. Paul Tang, député européen et Président de la sous-commission des affaires fiscales au Parlement européen, s’est montré très critique à l’égard de cette décision : « Les pays qui ne prélèvent pas d’impôt sur les sociétés ne figurent toujours pas sur la liste, laissant ainsi la porte grande ouverte à l’évasion fiscale à grande échelle… Il convient de mettre fin aux manœuvres politiques dans la procédure d’inscription sur la liste, de sorte qu’un pays ne pourra éviter d’y figurer que s’il met en œuvre des réformes et non s’il lance une offensive diplomatique18. »

L’OCDE incite toujours plus de pays à faire preuve de moins de transparence fiscale

À la suite des pressions permanentes exercées par l’OCDE sur les gouvernements afin qu’ils édulcorent leur législation relative aux déclarations pays par pays en vue de l’aligner sur la norme moins stricte de l’OCDE, deux autres pays – l’Allemagne et l’Espagne – ont à présent revu leur législation à la baisse pour la rendre conforme à la norme de l’OCDE. Depuis 2018, sous la pression de l’OCDE, au moins 11 pays ont vidé d’une bonne part de leur substance les lois relatives aux déclarations pays par pays – une mesure de transparence fiscale qui dénonce les multinationales transférant leurs bénéfices dans des paradis fiscaux – marquant ainsi l’un des plus grands reculs en matière de transparence de l’impôt sur les sociétés, ces dernières années.

L’affaiblissement de la législation relative aux déclarations pays par pays en Allemagne et en Espagne a contribué à la hausse du score relatif à l’agressivité fiscale des deux pays, et explique en partie le fait que l’Allemagne soit passée de la 24ème à la 23ème place du classement et que l’Espagne soit passée de la 27ème à la 22ème place, devançant ainsi l’Allemagne.

Les données de déclaration pays par pays ont changé la donne en matière de dénonciation des fraudes fiscales transfrontalières des sociétés en 2020, lorsque le rapport « Justice fiscale : état des lieux 2020 » du Réseau pour la justice fiscale a exploité les données des déclarations pays par pays publiées pour la première fois par l’OCDE afin de révéler que le monde perd, chaque année, 245 milliards de dollars d’impôts sur les sociétés en raison du transfert des bénéfices et pour identifier les principaux complices de ces abus fiscaux19. Toutefois, les données étant agrégées et rendues anonymes avant publication, le Réseau pour la justice fiscale n’a pas pu s’en servir pour identifier les sociétés multinationales qui transfèrent leurs bénéfices.

Les appels internationaux en faveur d’une convention fiscale des Nations Unies se multiplient

L’idée, autrefois impossible, de décharger l’OCDE de la définition des règles fiscales mondiales – organisme qui détient le pouvoir en matière de fiscalité mondiale depuis 60 ans – au profit des Nations Unies, a gagné du terrain le mois dernier, lorsqu’un groupe de chefs d’État a lancé un projet de réforme fiscale mondiale préparé par le Groupe de haut niveau des Nations Unies sur la responsabilité, la transparence et l’intégrité financières internationales (FACTI), appelant à une convention fiscale des Nations Unies qui définisse des normes mondiales et à la création d’un nouvel organisme intergouvernemental des Nations Unies pour fixer les règles fiscales20. Les appels à confier la définition des règles fiscales aux Nations Unies ont pris une ampleur sans précédent l’année dernière après les vives critiques essuyées par l’OCDE en raison de son incapacité à apporter des changements significatifs dans ses propositions de réforme fiscale tant attendues21. Les dernières conclusions de l’Indice des paradis fiscaux pour les sociétés 2021 ont suscité de nouveaux appels du Réseau pour la justice fiscale, d’éminents économistes et de militants du monde entier exhortant les gouvernements à adopter la recommandation du groupe FACTI des Nations Unies en vue de l’élaboration d’une convention fiscale des Nations Unies.

Alex Cobham, Directeur général du Réseau pour la justice fiscale, a déclaré :

« Nul besoin d’être un expert fiscal pour comprendre pourquoi un système fiscal mondial programmé par un club de riches paradis fiscaux entraîne, chaque année, une hémorragie de plus de 245 milliards de dollars de pertes en recettes fiscales sur les sociétés. Nos systèmes fiscaux sont les outils les plus puissants dont nous disposons pour créer une société juste qui donne un poids égal aux besoins de tous les membres de la société. Sous la pression des grands groupes internationaux et des puissants paradis fiscaux tels que les Pays-Bas et le Royaume-Uni, l’OCDE a programmé le système fiscal mondial afin qu’il réponde en priorité aux aspirations des sociétés et individus les plus fortunés, avant de satisfaire les besoins de tous les autres. Le coût humain qui en découle et que nous devons supporter a été douloureusement mis en évidence par la pandémie.

« Nous devons reparamétrer notre système fiscal mondial afin de donner la priorité au bien-être et aux moyens de subsistance des individus, et non aux aspirations d’acteurs déterminés à ne pas payer leurs impôts. Les règles relatives à la résidence et aux modalités de paiement de l’impôt sur les sociétés par les multinationales doivent être définies à l’ ONU, en toute clarté et dans le respect de la démocratie, et non à huis clos par un petit club de pays riches. »

Dr Dereje Alemayehu, Coordinateur exécutif de l’Alliance mondiale pour la justice fiscale nominée pour le prix Nobel de la paix, a déclaré :

« Faire confiance à l’OCDE pour établir des règles mondiales sur l’impôt sur les sociétés alors que les pays membres de l’OCDE sont responsables de plus des deux tiers des abus en la matière, c’est comme demander à une meute de loups de construire une clôture autour de votre poulailler. L’incapacité de l’OCDE à mettre en place une véritable réforme est apparue clairement l’année dernière lorsque sa proposition de réforme fiscale mondiale, après des années de planification, s’est révélée n’être qu’un plan en faveur de “paradis fiscaux allégés“22.

« L’Indice des paradis fiscaux pour les sociétés montre désormais clairement que demander à l’OCDE de lutter contre les abus à l’impôt sur les sociétés au niveau mondial était non seulement pratiquement impossible, mais aussi parfaitement déraisonnable. Nous devons retirer les règles mondiales en matière d’impôt sur les sociétés des mains de ceux qui sont déterminés à les contourner et les confier aux Nations Unies. Seule une convention fiscale des Nations Unies peut garantir que notre réglementation internationale en matière d’impôt sur les sociétés sera véritablement démocratique et fondée sur les principes des droits de l’homme. »

L’honorable Irene Ovonji-Odida, membre du Groupe de haut niveau des Nations Unies sur la responsabilité, la transparence et l’intégrité financières internationales et commissaire de la Commission indépendante pour la réforme de la fiscalité internationale des entreprises, a déclaré :

« Les principaux pays de l’OCDE qui, hier encore, à l’occasion de la Journée internationale des femmes, appelaient à un engagement mondial plus fort en faveur de l’égalité des genres sont les mêmes qui, aujourd’hui, font pencher la balance en défaveur de la capacité des pays à lever des fonds publics pour promouvoir des actions au profit de la justice sociale, et atteindre concrètement cet objectif. Les abus fiscaux des grandes entreprises et des particuliers fortunés à l’échelle mondiale privent des milliards de personnes d’un avenir meilleur, mais surtout les femmes qui sont systématiquement défavorisées. Lorsque l’impôt nécessaire au financement des services publics finit, au contraire, dans des paradis fiscaux ou dans des juridictions bénéficiant d’une opacité financière – souvent dans des économies avancées – ce sont bien plus souvent les femmes qui en paient les frais avec leur temps et leur travail non rémunérés. Alors que depuis plusieurs décennies, ce sont les pays en développement qui ont ressenti le plus durement les effets d’un système financier mondial injuste, les inégalités et l’exploitation favorisées par ces règles sont de plus en plus partagées par le plus grand nombre dans tous les pays, y compris dans les pays désormais développés, ce qui fausse les économies et nuit à la capacité même des gouvernements à répondre aux crises auxquelles les citoyens sont confrontés dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’alimentation, de l’agriculture, du travail, des revenus, de la sécurité sociale ou de l’environnement.

« Au cours des 60 dernières années, l’OCDE a fait de la politique fiscale mondiale un outil permettant de privilégier les profits des plus grandes multinationales au détriment des besoins de tous les autres, creusant les inégalités auxquelles les femmes et d’autres groupes sociaux sont confrontés. Il est temps de transformer la politique fiscale mondiale en un atout permettant de surmonter les inégalités de genre, et non de les alimenter. La première étape vers cet objectif est de définir une convention fiscale des Nations Unies. »

– FIN –

Contacter l’équipe de presse : [email protected]

l’Indice 2021 des paradis fiscaux pour les sociétés: cthi.taxjustice.net

Notes aux rédactions :

  1. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) est une organisation internationale qui compte 37 pays membres. Les membres de l’OCDE sont des pays à revenu élevé, généralement considérés comme des « pays développés ». L’OCDE a été fondée en 1961 dans le but de promouvoir les politiques fiscales, commerciales et sociales auprès de ses membres et du reste du monde. Depuis sa fondation, l’OCDE est le premier éditeur mondial de règles, conventions et directives sur la fiscalité internationale, notamment sur la manière dont les pays taxent les bénéfices des sociétés multinationales. Actuellement, les membres de l’OCDE sont l’Allemagne, l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Canada, le Chili, la Colombie, la Corée, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, les États-Unis, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Islande, Israël, l’Italie, le Japon, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, le Mexique, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République slovaque, la République tchèque, le Royaume-Uni, la Slovénie, la Suède, la Suisse et la Turquie.
  2. Une convention des Nations Unies, comme la convention des droits de l’enfant et la convention contre la torture, est un accord adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies qui crée des normes et des règles internationales. Un État membre des Nations Unies peut signer la convention, une fois adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies, pour indiquer qu’il adhère à ses principes. La convention ne devient juridiquement contraignante pour cet État membre des Nations Unies que lorsque celui-ci la ratifie. Le Groupe de haut niveau des Nations Unies sur la responsabilité, la transparence et l’intégrité financières internationales (FACTI) a récemment appelé à l’adoption d’une convention fiscale des Nations Unies afin de fixer des normes mondiales pour une imposition équitable et transparente des sociétés multinationales. Voir note 19.
  3. L’OCDE a fait l’objet de critiques en octobre 2020, lorsqu’elle a écarté les projets de réforme fiscale préparés et négociés en consultation avec des pays du monde entier, y compris avec des pays non-membres de l’OCDE, au profit d’une proposition de réforme fiscale plus limitée négociée en privé par les États-Unis et la France à huis clos, annoncée de but en blanc en 2020. Les propositions de réforme fiscale, qui constituent désormais la position officielle de l’OCDE, ont été sévèrement critiquées par d’éminents économistes, notamment par le lauréat du prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz qui, à l’époque, avait déclaré : « Les propositions de l’OCDE ne sont tout simplement pas adéquates. Elles représentent en réalité la prise en charge de ce programme par les multinationales et les pays qui sont étroitement liés à ces multinationales. » Le Réseau pour la justice fiscale s’est montré critique à l’égard de la proposition de réforme de l’OCDE, la qualifiant de plan « en demi-teinte sur la question des paradis fiscaux ».
  4. En novembre 2020, le rapport Justice fiscale : état des lieux 2020 révélait que les abus fiscaux commis par des personnes physiques et morales coûtaient chaque année aux États plus de 427 milliards de dollars américains en recettes fiscales, soit l’équivalent de près de 34 millions de salaires annuels d’infirmiers – ou un salaire annuel d’infirmier chaque seconde. 245 des 427 milliards de dollars d’impôts fuyant chaque année dans les paradis fiscaux seraient directement liés à la fraude transfrontalière des multinationales à l’impôt sur les sociétés et 182 milliards de dollars seraient perdus en raison de l’évasion fiscale privée à l’étranger. Les multinationales se sont ainsi soustraites à leurs obligations fiscales à hauteur de 182 milliards de dollars, en transférant 1 380 milliards de dollars de bénéfices hors des pays où ces derniers ont été générés, à destination de paradis fiscaux où les taux d’imposition des sociétés sont extrêmement faibles, sinon inexistants. Les fraudeurs fiscaux privés, quant à eux, ont acquitté moins d’impôts qu’ils n’auraient dû en plaçant plus de 10 000 milliards de dollars d’actifs financiers à l’étranger. Voir la note 13 pour en savoir plus sur la méthodologie appliquée dans le rapport « Justice fiscale : état des lieux 2020 ».
  5. L’Alliance mondiale pour la justice fiscale (GATJ) et le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) ont été proposés conjointement pour le prix Nobel de la paix par trois responsables politiques norvégiens. Cette nomination commune est célébrée partout comme une reconnaissance du mouvement international pour la justice fiscale. L’Alliance mondiale pour la justice fiscale est née en 2013 du Réseau pour la justice fiscale, en tant qu’organisme de coordination des organisations de mobilisation populaire qui travaillent sur la justice fiscale dans le monde. Les deux organisations continuent de collaborer étroitement.
  6. L’Indice d’opacité financière du Réseau pour la justice fiscale complète l’Indice des paradis fiscaux pour les sociétés. Pris ensemble, les indices donnent une image complète des deux aspects de l’abus fiscal : l’Indice d’opacité financière recense les méthodes utilisées par les pays pour permettre aux riches particuliers de dissimuler leurs actifs et d’échapper à l’État de droit et l’Indice des paradis fiscaux pour les sociétés décrit comment les pays permettent aux multinationales de payer moins d’impôts sur leurs bénéfices. Certains paradis fiscaux se spécialisent dans l’aide à l’évasion fiscale privée à l’étranger, comme les États-Unis, qui se classent au 2ème rang de l’Indice d’opacité financière 2020, mais qui pointent au 25ème rang de l’Indice des paradis fiscaux pour les sociétés. D’autres se spécialisent dans l’aide à l’abus à l’impôt sur les sociétés, comme les Bermudes, qui se classent au 3ème rang de l’Indice des paradis fiscaux pour les sociétés, mais au 40ème rang de l’Indice d’opacité financière. Et certains facilitent ces deux types d’abus fiscaux, comme les îles Caïmans, la Suisse, les Pays-Bas, le Luxembourg, Hong Kong, Singapour, les îles Vierges britanniques et les Émirats arabes unis, qui se classent tous dans les dix premiers aux deux indices. Top 10 des juridictions classées à l’Indice d’opacité financière 2020: 1. Caïmans (territoire britannique d’outre-mer), 2. États-Unis, 3. Suisse, 4. Hong Kong, 5. Singapour, 6. Luxembourg, 7. Japon, 8. Pays-Bas, 9. Îles Vierges britanniques (territoire britannique d’outre-mer), 10. Émirats arabes unis.
  7. D’importantes recherches ont démontré le fonctionnement du réseau de juridictions opaques du Royaume-Uni, opérant comme un réseau de paradis fiscaux favorisant la fraude à l’impôt sur les sociétés ou l’évasion fiscale privée à l’étranger, le tout gravitant autour de la City de Londres. La toile d’araignée britannique se compose des territoires britanniques d’outre-mer et des dépendances de la Couronne suivants : les Îles Caïmans, les Iles Vierges britanniques, Guernesey, Jersey, Gibraltar, les Bermudes, l’Île de Man, Anguilla, les Îles Turques et Caïques et Montserrat.Pour plus d’informations au sujet de la toile d’araignée britannique, veuillez consulter le documentaire de Michael Oswald « The Spider’s Web : Britain’s Second Empire », produit par John Christensen, fondateur du Réseau pour la justice fiscale. Le documentaire est disponible sur YouTube en anglais, espagnol, français, allemand et italien et a été vu près de 4 millions de fois.En raison du rôle très important joué par les Îles Caïmans dans l’aide apportée à la fraude fiscale à l’échelle planétaire, le Réseau pour la justice fiscale a, par le passé, qualifié le territoire de « joyau de la couronne » du réseau de juridictions du Royaume-Uni.
  8. Voir l’article d’EURACTIV Le retrait des Îles Caïmans de la liste noire européenne des paradis fiscaux fait des vagues.
  9. La déclaration du député européen Paul Tang, Président de la sous-commission des affaires fiscales au Parlement européen, sur la dernière série de modifications apportées à la liste noire des paradis fiscaux de l’UE est accessible ici.
  10. Voir note 4.
  11. Justice fiscale : état des lieux 2020, un rapport annuel unique en son genre du Réseau pour la justice fiscale, a révélé pour la première fois en novembre 2020 le montant des pertes fiscales encourues par chaque pays en raison de l’abus à l’impôt sur les sociétés et de la fraude fiscale privée. Bien que de précédentes estimations aient déjà été réalisées sur le manque à gagner fiscal mondial découlant de la fraude à l’impôt sur les sociétés, il s’est avéré difficile, par le passé, de déterminer les pertes fiscales encourues par chaque pays. Cependant, après près de deux décennies de campagnes menées par le Réseau pour la justice fiscale, l’OCDE a finalement publié en juillet 2020 des données sur la transparence des affaires financières des multinationales qui ont changé la donne. Grâce à l’analyse de ces nouvelles données, le Réseau pour la justice fiscale a pu estimer le manque à gagner fiscal de chaque pays avec une précision inégalée.Les données ont été collectées dans le cadre d’une mesure de transparence connue sous le nom de déclaration pays par pays. Cette mesure de transparence est conçue pour mettre en évidence les transferts de bénéfices (voir note 9) des multinationales en exigeant que celles-ci déclarent leurs bénéfices et leurs coûts au niveau national dans chaque pays où elles sont présentes, au lieu de les publier sous la forme d’une somme globale et agrégée qui masque les mouvements de fonds entre les pays. En analysant les données des déclarations pays par pays publiées par l’OCDE, l’étude Justice fiscale : état des lieux 2020 a évalué les transferts de bénéfices observables déclarés par les multinationales et a calculé les pertes fiscales qui en résultent.La première norme comptable internationale pour la déclaration publique pays par pays a été proposée pour la première fois par le Réseau pour la justice fiscale en 2003. Bien que l’OCDE s’y soit dans un premier temps opposée, la méthode des déclarations a finalement été soutenue par le groupe des pays du G20 en 2013, et l’OCDE a élaboré une norme d’utilisation en la matière à partir de 2015. Après de nombreux reports, l’OCDE a finalement publié des données partielles en juillet 2020. Cependant, alors que la proposition du Réseau pour la justice fiscale appelait les multinationales à divulguer publiquement leurs déclarations pays par pays, l’OCDE exigeait de celles-ci qu’elles soumettent leurs rapports uniquement en privé aux autorités fiscales des pays de l’OCDE. Les déclarations recueillies auprès des multinationales ont ensuite été agrégées et anonymisées par les pays de l’OCDE, avant que les données ne soient partagées avec l’organe de l’OCDE et publiées. En conséquence, alors que l’analyse par le Réseau pour la justice fiscale des données publiées par l’OCDE fait état de 245 milliards de dollars de gains pour les multinationales en se soustrayant à l’impôt sur les sociétés, ces données ne permettent pas d’identifier les entreprises fraudeuses.Fin février 2021, une majorité s’est dégagée pour la première fois parmi les ministres de l’UE en faveur de l’achèvement de la négociation d’une nouvelle directive sur l’obligation pour les sociétés multinationales de publier leurs déclarations pays par pays.
  12. Voir note 7.
  13. Pour la couverture médiatique de « l’axe de l’évasion fiscale », voir l’article du Times intitulé « Big corporations must pay their fair share of the coronavirus cost» et l’article de The Independent « Multinationals shift $1.3tn into tax havens every year, groundbreaking analysis reveals. »
  14. L’OCDE a lancé le plan d’action BEPS (Érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices) en 2015 pour lutter contre les abus fiscaux des sociétés multinationales. Ce plan comprenait un certain nombre de normes internationales, dont quatre devaient être respectées en tant que normes minimales par les membres de l’OCDE et du Cadre inclusif. Le rapport BEPS Action 5 sur les pratiques fiscales dommageables est l’un des quatre standards minimums du Plan d’action BEPS.
  15. Dans le cadre de l’Action 5, les membres s’engagent à participer à l’examen par les pairs du Forum sur les pratiques fiscales dommageables de l’OCDE, qui procède à des évaluations des régimes préférentiels depuis sa création en 1998 afin de déterminer si les régimes fiscaux pourraient avoir une incidence défavorable sur l’assiette fiscale d’autres juridictions.Le travail actuel du Forum sur les pratiques fiscales dommageables (FHTP) comprend trois domaines clés. Un premier aspect se rapporte à l’évaluation des régimes fiscaux préférentiels afin d’identifier les caractéristiques de ces régimes qui peuvent faciliter l’érosion de la base et le transfert de bénéfices et peuvent donc avoir une incidence défavorable sur l’assiette fiscale d’autres juridictions. Le deuxième domaine inclut l’examen par les pairs et le suivi du cadre de transparence de l’Action 5 par l’échange spontané obligatoire de renseignements pertinents sur les décisions spécifiques aux contribuables qui, lorsqu’elles ne font pas l’objet d’un tel échange de renseignements, pourraient donner lieu à des préoccupations en matière de BEPS. Et le troisième domaine se rapporte à l’examen des exigences d’activité substantielle pour les juridictions qui ne prélèvent pas d’impôt ou qu’un impôt insignifiant, afin d’assurer que ces acteurs œuvrent tous sur un pied d’égalité, lorsque la première évaluation n’est pas applicable.Dans son analyse des classements des pratiques fiscales dommageables de l’OCDE, le Réseau pour la justice fiscale s’est intéressé uniquement aux premier et troisième domaines d’évaluation, et ce pour deux raisons : premièrement, dans le cadre du deuxième domaine d’évaluation, l’OCDE n’attribue pas de note aux pays. Elle ne leur fournit que des recommandations de mesures complémentaires ou aucune recommandation. Il serait injuste de conclure que les pays ne recevant pas de recommandation sont considérés comme non dommageables par l’OCDE et que ceux qui en reçoivent sont considérés comme dommageables. C’est pourquoi le Réseau pour la justice fiscale n’examine que les notations de la première et de la troisième évaluation où l’OCDE utilise le terme « dommageable ». Deuxièmement, le Réseau pour la justice fiscale considère que les critères utilisés dans le cadre du deuxième domaine d’évaluation sur l’échange d’informations sur les décisions fiscales sont insuffisants pour que l’analyse puisse fournir des informations utiles.Voici quelques exemples de paradis fiscaux affirmant qu’ils se conforment aux règles de l’OCDE afin de se protéger et de faire échec aux enquêtes sur leurs pratiques permettant des abus fiscaux. En réponse à l’étude Justice fiscale : état des lieux 2020 révélant que les Îles Caïmans sont à l’origine d’un manque à gagner fiscal de l’ordre de 70 milliards de dollars chaque année, Cayman Finance a déclaré que « Les interprétations biaisées des statistiques des Îles Caïmans par le Réseau pour la justice fiscale sont de plus en plus inexactes, éloignées de la réalité et de moins en moins crédibles et elles continuent d’être mises à mal par les conclusions dignes de foi d’organismes internationaux reconnus comme l’OCDE et l’UE. » En réponse à l’Indice d’opacité financière 2020 du Réseau pour la justice fiscale, dont le premier rang est occupé par les Îles Caïmans, Cayman Finance a déclaré: « Les normes de transparence des Îles Caïmans s’appuient sur des normes mondiales reconnues […] Le TJN ignore que les Îles Caïmans répondent aux normes mondiales. »Le Luxembourg a fait entendre le même refrain en février 2021 en réponse à l’enquête OpenLux en déclarant: « Le Luxembourg respecte pleinement toutes les réglementations européennes et internationales en matière de fiscalité et de transparence, et applique toutes les mesures communautaires et internationales relatives à l’échange d’informations pour lutter contre les abus et la fraude fiscale. Cette réalité est confirmée par plusieurs observateurs, dont l’OCDE et l’Union européenne, qui n’ont pas encore identifié de régime fiscal ou de pratiques fiscales dommageables au Luxembourg. » En réponse à l’Indice d’opacité financière 2020, le ministère des Finances luxembourgeois a déclaré : « Il est important de noter que l’analyse (et le classement concomitant) [du Réseau pour la justice fiscale] ne tient pas compte du fait que les régulateurs et les institutions de la place financière luxembourgeoise appliquent toutes les normes européennes et internationales en la matière. Le Luxembourg, en tant que membre actif de l’OCDE et membre fondateur de l’UE, a mis en œuvre et en pratique toutes les règles de l’OCDE et de l’UE applicables en matière d’échange d’informations sur la fiscalité […]. »
  16. Le rapport Justice fiscale : état des lieux 2020 a constaté que les juridictions figurant sur la liste noire des paradis fiscaux de l’UE ne représentent collectivement que 1,72 pour cent des pertes fiscales mondiales, ce qui coûte aux pays plus de 7 milliards de dollars de recettes fiscales perdues chaque année. Par comparaison, les États membres de l’UE sont responsables de 36 pour cent des pertes fiscales mondiales, soit un manque à gagner fiscal de plus de 154 milliards de dollars chaque année. Deux des juridictions inscrites sur la liste noire de l’UE, Palaos et Trinité-et-Tobago, bien que ne coopérant pas avec les réglementations fiscales internationales, ne sont à l’origine d’aucune perte fiscale observable pour d’autres pays. Le Réseau pour la justice fiscale dénonce depuis longtemps le fait que la liste noire de l’UE ignore les principaux paradis fiscaux de la planète pour se concentrer sur des juridictions certes opaques, mais dont le rôle est insignifiant à l’échelle de l’économie mondiale.
  17. Suite à l’analyse de la liste noire de l’UE par le Réseau pour la justice fiscale dans le cadre du rapport Justice fiscale : état des lieux 2020, la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen a adopté une résolution en décembre 2020, jugeant la liste noire de l’UE « confuse et inefficace » et demandant sa révision. La résolution a été approuvée en janvier 2021 par le Parlement européen avec 587 voix pour, 50 contre et 46 abstentions.
  18. Voir la note 9.
  19. Voir la note 11.
  20. Le rapport publié par le Groupe de haut niveau des Nations Unies sur la responsabilité, la transparence et l’intégrité financières internationales décrit les abus fiscaux et autres flux financiers illicites comme un problème systémique qui « prive des milliards d’êtres humains de la possibilité d’un avenir meilleur » et qui ne peut être réglé que par « rien de moins qu’une transformation du système financier mondial » menée aux Nations Unies. Le rapport propose un ensemble complet de recommandations qui reflètent pleinement la plateforme politique initiée par le Réseau pour la justice fiscale en 2003. Le Réseau pour la justice fiscale a salué le rapport comme « un moment clé dans la lutte contre les infractions fiscales dans le monde ».
  21. Voir la note 3.
  22. Voir la note 3.

Top 10 des juridictions de classement

  1. Îles Vierges britanniques (territoire britannique d’outre-mer)
  2. Îles Caïmans (territoire britannique d’outre-mer)
  3. Bermudes (territoire britannique d’outre-mer)
  4. Pays-Bas
  5. Suisse
  6. Luxembourg
  7. Hong Kong
  8. Jersey (dépendance de la Couronne britannique)
  9. Singapour
  10. Émirats arabes unis

 

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